La ligne 3 reportée aux calendes grecques

La ligne 3 bloquée par la situation financière de l'Agglo

Le lundi 27 septembre 2004, dans une conférence de presse, Georges Frêche (le président de l'agglomération de Montpellier) annonce le report "aux calendes grecques" de la ligne 3. Ce qui dans la bouche de quelqu'un qui se prétend fin connaisseur de l'Antiquité signifie son annulation, car les calendes correspondaient aux mois des Romains, mais n'existaient pas en Grèce.

La raison donnée est la suivante: le gouvernement Jospin aurait promis 100 MEuros, et Raffarin ne donne que 5 MEuros. C'est donc la faute à l'État, car sinon à qui d'autre, Frêche a étendu son pouvoir trop loin pour pouvoir accuser la mairie de Montpellier, le département de l'Hérault, ou la région Languedoc-Roussillon.

L'argument n'est pas totalement faux: le gouvernement Raffarin a effectivement supprimé 90% des subventions prévues pour les transports en site propre "de province", faute d'argent en stock, de réelle volonté gouvernementale (ce qui est regrettable), et aussi à cause de l'explosion du nombre de projets de tramway. Il reste qu'il faut apporter quelques précisions:

Gayssot, du gouvernement Jospin, n'avait pas "promis 100 MEuros", il avait accepté de "prendre en considération" une demande de subvention pour un montant au maximum de 100 Euros (lire la lettre de Gayssot dans notre info du 18 avril 2004), le montant exact restant à déterminer, et étant d'ailleurs diminué pour les parties en voie unique.
cette acceptation avait été soumise à de nombreuses conditions par les services du ministre, connaissant visiblement bien la situation montpelliéraine. Le fait que Montpellier n'y réponde qu'à reculons n'a pas dû favoriser la demande de subvention: PDU très en retard et tellement peu ambitieux que sa légalité est en question, évaluation de la ligne 1 lancée péniblement avant le bouclage de la ligne 2 mais sans aucune exploitation des résultats de cette évaluation (toujours non communiquée à ce jour), pas vraiment d'améliorations sur le réseau d'autobus,...
il ne faut pas non plus oublier que l'État est peuplé d'humains, qui n'apprécient pas forcément de se faire injurier.
cela fait plus de 6 mois que l'on sait que les subventions seront très faibles: pourquoi Frêche feint-il la surprise?

Cette annonce du 27 septembre indique sans doute une situation financière vraiment critique: dans son éditorial du bulletin de l'Agglo daté de septembre 2004, Frêche terminait encore par la phrase suivante: "Avant même la mise en service de la ligne 2, Montpellier Agglomération s'attellera au lancement de la ligne 3 qui ira de Juvignac à Palavas-les-Flots. Car deux lignes ne sauraient suffire à quadriller le territoire communautaire en transport collectif rapide et non polluant.". Alors, les banquiers ont-ils tapé du poing sur la table?

Palavas-les-Flots demande à quitter l'agglomération de Montpellier

Le maire de Palavas, Christian Jeanjean, déjà excédé par le projet de dévier le tramway ligne 3 Montpellier-Palavas vers Carnon, et considérant que sa présence dans l'Agglo ne lui apporte plus rien, vient d'annoncer son intention de quitter l'Agglo de Montpellier (pour rentrer dans l'Agglo de l'Etang de l'Or, avec Mauguio), grâce à un amendement déposé par un sénateur socialiste de l'Aude et voté juste avant les vacances. Jeanjean espère que la procédure pourra aboutir aux alentours de Noël de cette année.

Ce n'est pas la première fois que Jeanjean fait entendre son opposition: il avait déjà regretté le détour de la ligne 2 par la boucle du Lez, et même demandé au département la remise en service du petit train de Montpellier à Palavas, considérant que la ligne 3 ne serait d'aucune utilité pour Palavas. Il faut dire que le tracé prévu aux dernières nouvelles, faisait un détour vers les Roquilles, et qu'ensuite un service de bus devait connecter les Roquilles à Palavas-centre: un tel système allongerait donc sérieusement les temps de trajet entre Palavas et Montpellier par rapport au service de bus actuel, lui-même déjà défavorisé par le rabattement sur la ligne de tramway.

Bien que la décision de Jeanjean ne soit sans doute pas liée à la dernière annonce du report sine die de la ligne 3, c'est encore un nuage supplémentaire pour la ligne 3: que devient ce projet si la commune qui est à l'extrémité de la ligne quitte le périmètre de la communauté chargée de la construire? Sans compter la perte de rentrées fiscales, problème déjà sérieux avec le départ des communes riches du nord de Montpellier et de Mauguio-Carnon qui abrite l'aéroport.

Au sein de la majorité, les Verts émettent un communiqué de bon sens

Difficile de comprendre, parfois: pendant que Frêche annonce l'annulation de la ligne 3, les Verts de Montpellier qui sont ses alliés à l'Agglo (et précédemment à la mairie) le contredisent dans un communiqué. Pour eux, la ligne 3 est indispensable pour avoir un réseau de tramway cohérent, et s'il manque 100 millions d'euros, il est facile d'économiser 100 millions d'euros, en renonçant à la boucle du Lez et à la construction de l'autopont du Corum dit "viaduc Loubat", ce qui est possible même sans enquête publique: les aiguillages du Corum permettent l'exploitation des lignes 1 et 2 en tronc commun par la Comédie (au moins dans un premier temps, avant la construction de la voie sur le Jeu de Paume), et la construction de l'autopont du Corum, qui n'est acceptée par aucune enquête publique, peut évidemment être annulée.

Difficile de ne pas approuver les Verts sur ce point. Leurs communiqués sont disponibles ici, mais voici la copie de celui-ci, en souhaitant qu'ils arrivent à se faire entendre (ce qui n'a jamais été le cas, jusqu'à présent):

Communiqué des Verts Montpellier - du 1 er octobre 2004

Il faut construire
la troisième ligne de tramway sans retard.
Voici comment !

1. La troisième ligne de tramway est indispensable, et sans retard. La déclaration d’utilité publique de la seconde ligne n’a été obtenue que parce que son tracé a été présenté comme complémentaire de la troisième ligne. Sans troisième ligne, le tracé envisagé pour la seconde ligne n’est pas acceptable, car il ne dessert pas le centre-ville.

2. Les Verts de Montpellier condamnent fermement le désengagement de l’Etat en matière de transports urbains collectifs en site propre (tramways). Ce désengagement est en totale contradiction avec les engagements du président Chirac de respect de l’environnement et de développement durable. Les Verts de Montpellier demandent au gouvernement de rétablir ces aides indispensables pour aider les grandes villes de France à améliorer les conditions de vie dans les villes en
respectant l’environnement.

3. Il y a 6 mois, en pleine campagne électorale, Georges Frêche avait annoncé une accélération du calendrier de construction de la troisième ligne, avec une mise en service fin 2008. Les promesses électorales n’engagent pas que ceux qui y croient ! Redonnons confiance aux citoyens dans la parole des élus, et honorons nos engagements.

4. Le choix du tracé de la seconde ligne explique aussi les difficultés actuelles de financement : on peut faire 100 millions d’euros d’économies immédiates en renonçant à l’inutile boucle du Lez et à l’absurde Viaduc Loubat. Nous préconisons d’adopter provisoirement un tronçon commun aux deux lignes de tramway entre le Corum et la gare. Aucune nouvelle enquête publique n’est nécessaire pour cela, la décision peut être prise immédiatement.

5. Avec une telle économie, la construction de la troisième ligne peut être maintenue selon le calendrier accéléré. C’est la solution que préconisent les Verts de Montpellier.

Les Verts de Montpellier

Contact : Christian Dupraz, porte-parole 06 30 39 30 86

Bilan des nuages en cours

sur la ligne 2, coût très élevé des expropriations: le coût n'avait jamais été sérieusement évalué (les 424 MEuros prévus au début du projet étaient restés inchangés au moment de l'enquête publique... malgré une ventilation différente entre les différents postes!), et certaines surprises sont de taille. De nombreux propriétaires refusent de céder leurs biens à vil prix.
sur la ligne 2 toujours: rentrées d'argent insuffisantes car:

subvention de l'État très faible
réduction du nombre de communes dans l'Agglo (de 44 prévues, puis 41, puis 38, actuellement 32 communes, mouvement pouvant continuer si Palavas arrive à quitter l'Agglo et si d'autres communes suivent son exemple).
la région verse une subvention au tramway, mais Frêche semble avoir trouvé moins d'argent dans la région qu'espéré, et rencontre l'opposition du Préfet et de la Justice pour certains transfers de subventions vers Montpellier.
d'autres questions grêvent le budget de l'Agglo (dans la même conférence de presse, Frêche dénonce le coût des procès intentés à propos de la gestion du dossier des ordures ménagères)

ligne 3 irréalisable à court terme, pour raisons budgétaires, et dont la cohérence doit être réanalysée si Palavas quitte l'Agglo
nombreux problèmes de cohérence soulevés par l'annulation de la ligne 3:

le Plan de Déplacement Urbains (PDU), particulièrement peu ambitieux, n'avait trouvé que la construction de 3 lignes de tramway comme réponse absolue à toutes les exigences légales concernant le développement des transports en commun et la réduction de la part des déplacements effectués en voiture individuelle. Il était déjà attaqué par l'association ADTC34, que devient-il aujourd'hui que la ligne 3 semble être supprimée?
dans l'enquête publique en vue de la Déclaration d'Utilité Publique (DUP) de la ligne 2, la ligne 3 a servi de justification universelle pour les détours de la ligne 2: la boucle lente et coûteuse vers le Lez avait pour seul but, officiellement, d'éviter un recoupement avec la ligne 3, déviée pour les besoins de l'enquête (et contre toute vraisemblance) par la rue Clapies et le Peyrou. Ces arguments s'écroulent d'eux-mêmes avec la disparition (ou le report à long terme) de la ligne 3. On note cependant l'habileté manoeuvrière de Frêche, qui a attendu l'expiration du recours de délai normal pour la DUP avant de faire son annonce tonitruante.

d'une manière générale, la politique menée ces dernières années en matière de déplacements sur la commune de Montpellier et sa proche périphérie aboutit à des conséquences fort négatives, qui finiront bien par poser des problèmes (comment accueillir les grands et beaux projets quand les autorités n'arrivent pas à résoudre les problèmes quotidiens? Certains prépareraient des actions juridiques en vertu du non-respect du droit à se déplacer librement):

desserte du centre-ville très mauvaise. La piétonnisation, effectuée sans chercher des solutions satisfaisantes pour permettre la continuation des activités économiques, pose d'autant plus de problèmes que la ligne 3 ne se fera, que la ligne 2 ne desservira pas le centre-ville, et que le mini-bus mis en place est tellement mal conçu que personne ne l'utilise
incohérence entre le centre-ville soumis à la piétonnisation (fermé aux voitures), et Oddysseum soumis au tout-voiture: outre l'évidente distorsion de concurrence (attaquable en justice), c'est un facteur de ghettoïsation car les différentes populations n'ont plus le moyen de se rencontrer.
malgré la piétonnisation, difficultés énormes pour les piétons à proximité immédiate du centre-ville, liés à des trottoirs étroits et mal conçus et à l'omniprésence de voitures garées sur les trottoirs, sans visiblement que l'idée de faire enlever ces voitures ne surgisse à l'esprit de nos décideurs. Pour les handicapés, il s'agit d'un véritable déni du droit à se déplacer. Malgré les remarques de la commission d'enquête du PDU, loin de s'améliorer la situation n'a pas cessé de s'aggraver.
services d'autobus pas forcément efficaces avec le rabattement excessif des lignes vers le tramway. La disparition totale des autobus sur le boulevard Henri-IV (jardin des plantes), anciennement emprunté par de nombreuses lignes, est un symbole de cette déficience. Difficile d'accepter des investissements dans des travaux lourds quand même les lignes de bus sont mal conçues.
concernant le vélo, il y aurait beaucoup à dire, quand on voit par exemple l'inaction de Louis Pouget (un proche de Frêche, resté à la mairie de Montpellier) sur le dossier de l'avenue de Lodève, où un aménagement décidé sans concertation a déjà, en quelques mois, provoqué de nombreux accidents touchant des cyclistes, dont un accident mortel.

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